Durant le semestre dernier qui a vu se développer la pandémie et la crise sanitaire et sociale qui en découle, de nombreux mots et termes ont fait leur apparition, colonisant toutes les réflexions, analyses, commentaires et échanges qu’ils soient politiques, institutionnels, professionnels voire personnels.
Des termes tels que confinement, relâchement, clusters, distanciation sociale, gestes barrières, continuité pédagogique, vacances apprenantes ont envahi et occupé le devant de l’actualité quotidienne, interpellant chacun d’entre nous.
On nous sommait d’appliquer à la lettre, au fil des évolutions territoriales de l’épidémie et des tâtonnements, les «consignes » et les bonnes pratiques.
Les familles populaires ont dû, comme les autres, voire plus que les autres encore, se conformer, malgré les freins, à la compréhension des consignes, des modes de faire et souvent dans une solitude réelle face aux difficultés engendrées principalement par le confinement.
Les efforts déployés par les acteurs sociaux et éducatifs de proximité, en première ligne les équipes des Projets de Réussite Éducative, pour trouver des stratégies d’actions permettant le maintien du lien avec les familles populaires n’ont de toute évidence pas suffit à éviter les ruptures sociales et éducatives pour un nombre conséquent d’enfants et de leurs familles.
Cette rupture s’est amplifiée au regard des problématiques de perte d’emploi qu’ont rencontré nombre de parents vivant déjà dans la précarité.
Ces situations préoccupantes, cette réalité quotidienne nous obligent à revenir à un référentiel autre que celui de la crise sanitaire, car la crise sociale continue à frapper les enfants et les familles des quartiers populaires, plus férocement encore.
Les constats apportés par les référents de parcours (sondés par l’ANARE) nous engagent à lutter plus encore contre le non –recours, l’absence de prise en charge en santé, et ce dans tous les domaines et à principalement agir contre l’isolement social, l’assignation territoriale dont souffrent de nombreux enfants et leurs familles.
Les réponses ne peuvent pas se limiter à des dispositions techniques de court terme s’inscrivant dans une logique de gestion de crise.
Pour agir avec efficacité et dans la durée, il est indispensable que les politiques publiques d’éducation, de santé, de solidarité, d’emploi se combinent pour construire un système qui vise en premier lieu, la solidarité avec les familles les plus fragiles, le bien-être des personnes et leur émancipation.
Un système pérenne, qui donnent pouvoir aux acteurs locaux et aux coordinations territoriales, qui soit réellement au bénéfice des personnes qui en ont besoin et aux acteurs éducatifs et sociaux qui en sont les plus proches et les plus opérant.
Pour rappel, l’ANARE a toujours défendu le fait que la pertinence et l’efficacité des projets de Réussite Éducative ne pouvait exister qu’en lien avec des services publiques forts et structurés.
Ses fonctions singulières de coordination des parcours des enfants et le lien avec leurs parents, ne seront optimaux qu’à cette condition.
Si la question technique du numérique a été travaillée (avec un peu de retard à l’allumage), la question des usages numériques a-t-elle été suffisamment investie ? Les besoins exprimés ont-ils été relayés, pris réellement compte ? Pour quelle durée et avec quel accompagnement ?
Si les enseignants ont dû et su, le plus souvent en urgence et au carrefour de toutes les directives ministérielles, assurer l’enseignement à distance en donnant un rôle de supplétif pédagogique aux parents (une première dans l’histoire de l’enseignement public), la question des décrochés a t-elle été ainsi résolue ? Le lien avec les familles ne doit il pas être, plus encore, consolidé et comment ?
Oui le monde associatif, mobilisé plus que jamais, a trouvé un soutien économique d’urgence mais se trouve en grand danger notamment sur la question de l’engagement bénévole et de la pérennité des ses modèles économiques.
Oui les Cités Éducatives ont mobilisé une partie de leurs ressources pour intervenir mais sans systématiquement développer les interventions en coopération avec les PRE et les acteurs agissant sur leur territoire (alors qu’ils devaient être renforcés dans le cadre des Cités éducatives ) .Or cela est loin d’être une réalité pour de nombreuses Cités Éducatives qui sont vues et vécues localement, par l’ensemble des partenaires éducatifs , comme une machinerie supplémentaire avec des modes opératoires chronophages bien éloignés des réponses Éducatives que les enfants et les familles en fragilités, peuvent attendre actuellement.
Sur ce point, un communiqué de presse du Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales du 1er octobre 2020 annonce la création de 40 nouvelles cités éducatives supplémentaires qui s’ajouteront donc aux 80 territoires déjà labellisés avec pour ambition d’accompagner individuellement chaque enfant dans son parcours éducatif de la petite enfance à l’insertion professionnelle… N’y a-t-il pas changement de cap ou erreur de cible sur la vocation première des Cités Éducatives dont la philosophie est (était ?) plus proche de celle d’une mise en synergie de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative au sens large et des acteurs l’orientation et de l’insertion professionnelle afin de proposer une politique globale et cohérente d’éducation pour chaque territoire, que de proposer un accompagnement individualisé pour chaque enfants du territoire : mission assurée par les PRE depuis 2005 ?
Comme l’ANARE l’a déjà clairement exprimé, nous craignons que cette orientation, ce changement de cap des Cités éducatives contribue à la fin des PRE pour certaines échelles de territoires.
Or les 350 PRE ont pourtant, dans un contexte sanitaire difficile, renforcé et adapté leurs actions pour assurer les accompagnements), dans la régularité et la proximité des familles souvent avec les mêmes ressources, voire moins par endroit.
Ces efforts et cette mobilisation ne se révèleront utiles dans la durée que si nous savons et nous pouvons enfin développer des stratégies sociales et éducatives, au sein des seules coordinations pertinentes, celle des territoires de vie dont le PRE semble être le bon calibrage et la bonne échelle pour répondre rapidement et efficacement aux situations complexes vécues par les familles les plus fragilisées..
Il sera nécessaire que se construise des coordinations collectives qui, seules, peuvent favoriser le changement des places et des postures institutionnelles. Il reste en ce domaine beaucoup de travail en la matière mais les acteurs territoriaux peuvent s’appuyer sur les coopérations interdisciplinaires et interinstitutionnelles déjà consolidées dans le cadre des PRE et pourrait être rapidement modélisées.
L’ANARE se tient prête à agir en la matière afin que son référentiel de connaissance et de compétence puisse être investi dans ce travail collectif indispensable à la sauvegarde de ces liens qui nous permettent de faire société.
Quand aux principes qui fondent notre démarche et notre action, n’hésitons pas à les affirmer et surtout les partager :
Reconnaissance, persévérance, valorisation des personnes, partenariat, accompagnement, écoute, respect, coopération, approche globale des sujets, évaluation.
Nous restons à votre écoute et mobilisés pour valoriser toutes les actions et initiatives que vous développez dans vos quartiers… N’hésitez pas à nous contacter ; et si l’ANARE vous semble utile, rejoignez nous et adhérez à notre Association Nationale des Acteurs de la Réussite Éducative pour partager nos projets et nos réflexions.